Commande d'écriture - Ville de Fontenay-sous-Bois
La réhabilitation du quartier est prévue. Les architectes pressentis par la Ville doivent venir dans le local social au pied d’une tour rencontrer la population.
Ce jour-là, le groupe de musique répète, le buffet est prêt, les habitants ont leur cahier de doléances : des portraits vidéo...
Alors, on séquestre gentiment les deux architectes concurrents : séquences de films, flashes-back, discussions, pauses musicales avec « vino y tapas » partagés en public, rejets et excuses de Le Corbusier, défense et accusation des Grands Ensembles...
Destruction ? Requalification ? Concertation ? Rêves ?... Même si la vidéo tombe en panne, si les musiciens s’improvisent acteurs, si le gardien brésilien s’échauffe et si les architectes se justifient... c’est au final une jeune étrangère, architecte en herbe et chanteuse de blues, qui apportera son petit grain de sel comme un piment venu des pays émergents.
SEQUENCE V
ALBERTO LE GARDIEN DES UTOPIES
ÉDOUARD
On peut très bien dénaturer totalement un bon projet urbain … même après concertation… (il commence à s’énerver) L’architecte, et c’est son métier, il maîtrise la forme, l’architecte, et c’est son métier, il doit donner la dimension des choses, la mesure… Désolé, ce n’est pas à un sociologue ni à un habitant de dire que d’ici au premier bâtiment là, on va construire comme ci ou comme ça, … l’architecte, son métier c’est de travailler dans la certitude… Et l’architecte c’est l’homme… ou la femme, bien sûr…
GERALDINE
Merci…
ÉDOUARD
… qui dans le projet urbain doit pouvoir faire la synthèse … Alors quel est le niveau maximal de compromis qu’un un architecte ou un urbaniste peut absorber ?... c’est ça la question ! Jusqu’à la forme des toits, imposés par l’armée ou la police … ou bien jusqu’à la « séquestration douce » par une bande d’allumés !!
LE GARDIEN
Je ne suis pas un allumé, ni un chef d’allumés, Monsieur. Je suis le gardien de l’immeuble, des deux immeubles et la tour ici et la barre là-bas… parce qu’ils ont remplacé les emplois de gardiens par des entreprises de nettoyage … avant on était deux, maintenant je suis tout seul ! Donc je suis gardien et je suis Brésilien, ma femme est Portugaise comme je vous ai dit, mais attention, nous les Brésiliens, nous sommes un peuple anarchiste fêtard… on n’est pas discipliné plit plit plit comme ça… alors, attention, Monsieur, je ne suis pas un allumé comme vous dites… ÉDOUARD J’ai dit ça, comme ça, pour plaisanter…
LE GARDIEN
J’ai connu Monsieur Niemeyer, moi, j’ai connu Monsieur Lucio Costa, l’urbaniste de Brasilia, c’est le même nom que moi mais pas la même famille, les Costa c’est comme les Dupont en France ! Ou en Italie où ils coulent même les bateaux ! Je respecte beaucoup Oscar Niemeyer, j’ai été guide de Brasilia, plusieurs années…
Le texte de Louise Doutreligne, une immersion dans le coeur sensible des grands ensembles, la rencontre des gens qui y vivent au quotidien, des témoignages toute génération confondue.
Dans les années 60, les périphéries urbaines virent l'émergence de tours nécessaires au logement de la classe ouvrière composée d'immigrés et de provinciaux. Le chant des pelles mécaniques s'écoutait de profundis car la terre transgressée jusque dans les profondeurs de son intimité était mise à nue sous l'oeil des politiques soucieux du mal-logement. Une réalité qui n'a jamais cessé d'être, l'Abbé Pierre en fit le combat de son pélerinage et malheureusement, l'état de grâce, il ne connut point jusqu'à son dernier souffle. Des architectes comme Le Corbusier et Oscar Niemyer bâtirent non pas pour bâtir, mais pour permettre à l'homme de vivre ses rêves dans un espace où la dimension-béton peut être synonyme de liberté et de lumière.
La Cité radieuse à Marseille et la ville nouvelle de Brasilia ont été le point de départ de dynamiques sociétales redessinant l'espace urbain.
La pièce, in situ, confronte les attibuts de la théâtralogie en intégrant les formes pluridisciplinaires artistiques : la musique, le chant, la vidéo, la lecture, le jeu des comédiens. Ces performances sont le point d'interrogation de la dérive des ex paradis artificiels mêlant le social à l'humain.
Jean-Pierre Paliès intégre habilement les témoignages des habitants à la fiction surmédiatisée des cités. Les politiques se donnent bonne conscience en faisant de courtes escales en ces territoires où la promiscuité et la pauvreté gangrénent le quotidien. Quand le premier élu invite des architectes pour repenser le local social, les gens sourient de nouveau. Pour combien de temps ?
La scénographie s'articule avec subtilité dans cette pièce interactiv. L'écran vidéo bouge à l'image des projets de réaménagements du local social et des acteurs qui contribuent à le faire vivre avec des activités culturelles ethniques.
Entre réalité et prises de conscience, C'est la faute à Le Corbusier est avant tout une docu-fiction sociétale. Les personnages font preuve d'abnégation et l'humour se lit dans leurs yeux. Ce chant du monde livre à l'état brut comme le béton, ses sentiments, ses doutes et en points de suspension ses espoirs.
C'est la faute à Le Corbusier est en tounée en Ile de france jusqu'au 28 avril 2013.
Le 17 janvier 2013 par Charles Lepic
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Le texte de Louise Doutreligne, une immersion dans le cœur sensible des grands ensembles, la rencontre des gens qui y vivent au quotidien, des témoignages toute génération confondue.
Dans les années 60, les périphéries urbaines virent l'émergence de tours nécessaires au logement de la classe ouvrière composée d'immigrés et de provinciaux. Le chant des pelles mécaniques s'écoutait de profundis car la terre, transgressée jusque dans les profondeurs de son intimité, était mise à nue sous l'œil des politiques soucieux du mal-logement. Une réalité qui n'a jamais cessé d'être, l'Abbé Pierre en fit le combat de son pèlerinage et malheureusement, l'état de grâce, il ne connut point jusqu'à son dernier souffle.
Des architectes comme Le Corbusier et Oscar Niemyer bâtirent non pas pour bâtir, mais pour permettre à l'homme de vivre ses rêves dans un espace où la dimension-béton peut être synonyme de liberté et de lumière. La Cité radieuse à Marseille et la ville nouvelle de Brasilia ont été le point de départ des dynamiques architecturales redessinant l'environnement urbain.
La pièce, in situ, confronte les attributs de la théâtralogie en intégrant les formes pluridisciplinaires artistiques : la musique, le chant, la vidéo, la lecture, le jeu des comédiens. Ces performances sont le point d'interrogation de la dérive des ex paradis artificiels mêlant le social à l'humain. Jean-Pierre Paliès intègre habilement les témoignages des habitants à la fiction surmédiatisée des cités. Les politiques se donnent bonne conscience en faisant de courtes escales en ces territoires où la promiscuité et la pauvreté gangrènent le quotidien. Quand le premier élu invite des architectes pour repenser le local social, les gens sourient de nouveau. Pour combien de temps ?
La scénographie s'articule avec subtilité dans cette pièce interactive. L'écran vidéo bouge à l'image des projets de réaménagements du local social et des acteurs qui contribuent à le faire vivre avec des activités culturelles ethniques. Entre réalité et prises de conscience, C'est la faute à Le Corbusier est avant tout une docu-fiction sociétale. Les personnages font preuve d'abnégation et l'humour se lit dans leurs yeux. Ce chant du monde livre à l'état brut comme le béton, ses sentiments, ses doutes et en points de suspension ses espoirs.
Philippe Delhumeau